vendredi 2 septembre 2016

Mes dernières lectures


Pendant longtemps, mes mois d’été n’ont pas figuré pas parmi mes préférés. Je n’ai jamais très bien supporté la chaleur, elle m’empêche souvent de trouver le sommeil. Perdre mon rythme m’agaçait, je me levais tard, j’avais l’impression de perdre du temps.

Cette année, par contre, c’était un peu différent. J’ai enchaîné, quasi directement après mon retour d’Irlande, une année de travail, sans pouvoir prendre de vacances du tout. Du coup, j’ai décidé de vraiment profiter de mes mois de juillet et d’août pour enchaîner les voyages avant de commencer ma recherche d’emploi (parce que les sorcières sont malgré tout obligées de gagner un peu d’argent. Le monde est mal fait).


Comme vous l’aurez compris, en août, j’ai donc plutôt cherché à profiter des paysages et des visites plutôt que de bouquiner. Cependant, j’ai décidé de vous faire partager mes trois dernières lectures…
john irving, l'oeuvre de dieu la part du diable
L'Oeuvre de dieu, la part du diable, John Irving
Cela faisait très longtemps que je souhaitais lire John Irving. Auteur américain contemporain, ses livres abordent principalement les thèmes de l’identité sexuelle, du milieu de la prostitution, le viol… des thèmes qui m’intéressent et me touchent. Comme j’étais assez curieuse de voir comment il allait les traiter, j’ai fini par acheter deux de ses ouvrages : A moi seul bien des personnages, publié en 2013, qui aborde la bisexualité, et L’œuvre de dieu, la part du diable, roman de 1985, qui a bénéficié d’une adaptation cinématographique avec Tobey Maguire et Charlize Theron (adaptation que je n’ai pas vu). C’est de ce dernier livre dont je vais vous parler.

Dans les années 20, Wilbur Larch, gynécologue obstétricien, décide d’ouvrir l’orphelinat Saint Cloud’s dans le Maine. Traumatisé par un souvenir tragique où il avait laissé mourir une femme qui lui avait réclamé un avortement, et se sentant coupable de sa mort, il décide alors d’accomplir deux missions. L’une est l’œuvre de Dieu : l’accouchement des femmes qui viennent le voir, et l’adoption de leurs enfants par l’orphelinat. L’autre est la part du diable : l’avortement.

Nous suivons par la suite la vie d’Homer Wells, un des enfants de l’orphelinat. Homer Wells, après avoir tenté de se faire adopter, se rend compte que sa place est à Saint Cloud’s. Peu à peu, il apprend les règles de la vie. Wilbur Larch décide alors d’en faire son apprenti. Au même moment, nous voyons évoluer d’autres pensionnaires, dont le personnage de Melony, une jeune fille pleine de ressentiments et de colère...

Difficile de vous résumer plus en détail l’histoire sans vous gâcher la découverte. Les thèmes évoqués sont très divers : la question de l’avortement bien sûr, mais également la prostitution, la drogue, les conditions de travail, l’amour paternel, la guerre, les femmes battues, le racisme… il est impossible de tous les évoquer tant ils sont nombreux.

John Irving évoque ces thèmes complexes avec beaucoup de finesse. A aucun moment, on ne sent de jugement sur les avortements, bien qu’il y relate des points de vue opposés. J’ai été aussi surprise par l’angle choisi : là où je m’attendais à ce qu’il traite du point de vue du bien et du mal – est-il bien ou mal de pratiquer un avortement ? - il décide de le prendre du point de vue de la justice – est-il juste de pratiquer un avortement pour aider ces femmes qui n’en ont pas le choix, sachant que l’avortement est interdit ? Cela m’a permis d’aller plus loin dans ma réflexion sur l’avortement. Les sujets, très lourds, sont aussi traités avec une pointe d’humour, ce qui permet de rendre les situations moins dramatiques. Jamais je n’ai senti que l’auteur souhaitait provoquer artificiellement des émotions chez le lecteur, et pourtant, ce roman est d’une très grande sensibilité.

Les personnages sont tous très différents les uns des autres : si j’ai particulièrement apprécié Wilbur Larch de par ses convictions et son grand sens moral, les autres personnages sont dépeints de manière très juste et réaliste. Même si je ne cautionnais pas forcément le comportement de tous, j’arrivais à comprendre leurs réactions et leurs actes. L’histoire d’amour est aussi très intéressante à suivre : peu orthodoxe, elle m’a néanmoins pas mal agacée par moment : une réaction partagée par certains des personnages du livre en qui je me suis du coup retrouvée. C’est le seul point faible de l’histoire : comme le comportement des personnages m’énervait, j’ai fini par trouver long passages où ils en parlaient. En revanche, deux autres relations m’ont beaucoup plus touché : la relation père et fils de Walbur Larch et d’Homer Wells, et la relation entre Melony et Homer. Melony est d’ailleurs un personnage que j’ai adoré suivre, de par son côté perdu et rebelle, et révoltée par sa situation d’orpheline.

Au niveau du contexte, John Irving arrive également à très bien retranscrire l’ambiance de la société américaine des années 20 aux années cinquante, avec la guerre et ses conséquences, les conditions de travail des ouvriers, le racisme et le sexisme très présents. 

Comme vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ma lecture. J’ai trouvé ce livre essentiel : à la fois parce que les thèmes évoqués sont très divers et surtout peu évoqués en littérature ; et aussi parce que John Irving le fait de façon magistrale. Bien que parfois, j’ai trouvé que certaines pages un peu longues, notamment parce que le rythme se ralentit au milieu du livre (et que bon, mine de rien, huit cent pages, c’est assez long), j’ai hâte de retrouver la plume de John Irving dans son autre roman.


chroniques de spiderwick, tome 1
Les Chroniques de Spiderwick, Le Livre magique, Black, DiTerlizzi

A la suite de ma lecture de John Irving, j’ai voulu choisir un livre un peu plus « léger » et jeunesse. Après un petit moment d’hésitation, j’ai décidé d’acheter, via la Kindle d’Amazon installée sur mon téléphone, le tome 1 des Chroniques de Spiderwick, d’Holly Black et de Tony DiTerlizzi, publié de 2004 à 2009.

Les Chroniques de Spiderwick, c’était un peu le regret de mon enfance : pendant des années, les couvertures m’avaient attiré. Je les trouvais magnifique, ainsi que le papier un peu parcheminé et les illustrations qu’il comportait. Cependant, je trouvais le livre un peu cher pour le nombre de pages qu’il offrait. C’est vrai qu’à l’époque, l’idée que je me faisais du livre idéal était déterminé par sa longueur : plus un livre avait de pages, et plus il me permettrait d’heures de lectures.

D’autant plus qu’il s’agissait d’une véritable série, avec plusieurs cycles et ses guides. Devant le nombre, j’avais fini par abandonner, mais je gardais le nom en tête. Jusqu’à un article récent d’Ottomonranzi, qui évoquait la série parmi ses lectures préférées. J’ai donc fini par me laisser tenter.

Les Chroniques de Spiderwick relate les aventures de trois frères et sœurs, Simon, Jared et Mallory Grace. Suite au divorce de leurs parents, ils se retrouvent à aller vivre dans une nouvelle maison, une demeure ancienne qui appartenait jusque là à leur grande tante. Vivre dans cette vieille bicoque délabrée est difficile pour les trois enfants, surtout pour Jared, qui se remet à peine du divorce de ses parents. Peu à peu, des évènements étranges surviennent : Jared finit par explorer la maison. Il découvre alors un vieux grimoire

Dans l’ensemble, le roman a été une bonne découverte. Il a joué un peu pour moi comme une madeleine de Proust : comme je suis férue des romans fantastiques destinés à la jeunesse, j’ai eu l’impression de combler la gamine de dix ans que j’étais alors. J’ai adoré pleins de détails : la maison pleine de secrets, qui m’a rappelé que j’adorais jouer dans les greniers pour découvrir des objets anciens, la découverte d’un monde parallèle au nôtre, les créatures, toutes plus dangereuses les unes que les autres…

Les illustrations sont très jolies, et servent bien l’histoire : c’est là que j’ai regretté de n’avoir que l’e-book, pour ne pas en profiter correctement. Elles permettent d’ancrer le roman dans le monde réel, avec des croquis pour savoir à quoi ressemblent les créatures, ou ce à quoi ressemble la maison. Elles sont aussi un agréable support pour deviner le physique des personnages, qui ne sont pas du tout décrits dans le roman.

Les personnages sont bien dépeints, et permettent, grâce à de grands traits de caractère, de s’identifier à eux. Mallory, la sœur âgée de treize ans, escrimeuse hors pair, a un caractère très trempé et assez impérieux. Simon, passionné par les animaux, est assez peu évoqué, mais il finira par soutenir la cause de son frère. Jared, enfin, est décrit comme introverti, ayant des difficultés scolaires – il se bat avec ses camarades – et relationnelles. Il est néanmoins celui grâce à qui l’aventure débute, et est le plus prompt à croire aux créatures de l’imaginaire.

Néanmoins, malgré ces points forts, j’ai senti des limites au texte. Je l’ai trouvé assez premier « degré » : il permet certes de vivre une aventure – ce qui est déjà un bel exploit – mais propose assez peu de questionnements plus profonds. J’ai été aussi assez déçu par le manque de rebondissements : à aucun moment, je n’ai été surprise de ma lecture. L’écriture, bien que fluide, est aussi très simple. Ce livre est donc réellement destiné à un public assez jeune, autour de huit-dix ans.

C’est un peu dommage, parce que je pense qu’il existait une possibilité de faire un livre à l’ambiance plus inquiétante, plus sombre, comme ce que ressent Jared lorsqu’il découvre les mystères de la maison. Plus de détails aurait aussi été appréciable. Un livre plus long aurait peut-être permis d’approfondir les descriptions, pour rendre une atmosphère plus effrayante. Cela aurait aussi aidé à s’immerger plus dans le quotidien des enfants Grace, que l’on quitte avant de les avoir réellement découverts.

Le tome 1 des Chroniques de Spiderwick est une bonne découverte, avec des personnages attachants et une intrigue sympathique. Malgré ces quelques défauts, j’ai bien aimé l’ambiance fantastique du livre, et je suis assez curieuse de lire le tome 2, qui va rentrer dans le vif du sujet après un premier tome introductif.


Mémoires d'une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir
 Je passe enfin au dernier livre que j’ai lu, un peu par hasard, car sa lecture n’était pas du tout prévue. Il attendait là, dans ma bibliothèque, depuis (très, très, très) longtemps. Je l’avais commencé, apprécié, puis reposé sans aucune raison au bout d’une centaine de pages. J’ai du coup décidé de le reprendre.


La plume de Simone de Beauvoir ne m’est pas réellement inconnue. Je l’avais déjà fréquentée lors de ma lecture de deux de ses essais : La Vieillesse (1970) au cours de ma terminale, et l’archi connu Le Deuxième sexe (1949) au cours de ma seconde année de fac d’histoire. Bien qu’un peu datés, les deux ouvrages m’avaient bien plu. J’ai donc commencé Mémoires d’une jeune fille rangée, ayant en tête un aperçu de sa philosophie. 

Publié en 1958, Mémoires d’une jeune fille rangée est le premier de ses romans autobiographiques. Il commence de la naissance de l’autrice jusqu’à ses vingt ans, année où elle réussit l’agrégation de philosophie.

Avec une grande précision et une richesse de détails, Simone de Beauvoir revient sur son enfance dans une famille bourgeoise, catholique et désargentée. Elle y traite de ses relations avec ses parents, puis sa petite sœur, de son intérêt précoce pour les livres. Toute jeune, elle sait qu’elle est différente, qu’elle va devenir quelqu’un : quitte à savoir comment et dans quel but.

Peu à peu, on assiste au façonnement de sa personnalité. Ses lectures et ses nombreux doutes finissent par la faire remettre en question les idées véhiculées par sa famille. Ses amitiés l’aident aussi à définir qui elle est : celle qu’elle partage avec Jacques, qu’elle admire et qu’elle méprise, celle avec Zaza, sa camarade de classe, celle avec Garric, son professeur engagé socialement, ou celle avec Herbaud, un étudiant qui prépare l’agrégation, et qui la fera rencontrer Jean-Paul Sartre.

Ce que j’ai beaucoup apprécié dans son ouvrage, c’est qu’il est très accessible. C’est pour moi tout l’intérêt du roman : alors que la philosophie me paraît souvent assez inaccessible, on peut ici suivre ses interrogations petit à petit, comprendre le cheminement de sa pensée. Elle nous présente ses expériences de manière très complète tant ses souvenirs sont vifs, précis. Les problématiques traitées sont très proches de celles que nous pouvons avoir : dans ce livre, Simone de Beauvoir passe son temps à analyser et à questionner ce qui l’entoure, elle se questionne par exemple sur la religion, sur la place des femmes, et sur la société en général. C’est cette personnalité qui la détache du conformisme, et qui la rend impressionnante. Personnellement, j’avais envie de souligner toutes les phrases de l’ouvrage pour m’en souvenir. Elle nous force à nous remettre nous-mêmes en question, et nous donne envie de pousser plus loin notre réflexion.  

Elle sait aussi très tôt que c’est à elle de se faire sa place dans le monde, et que ce n’est pas à son milieu de choisir son destin à sa place. Ainsi, elle décide rapidement qu’elle sera professeure et écrivain. Dans son roman, elle paraît également d’une grande honnêteté intellectuelle : loin d’idéaliser le passé, elle donne de nombreux exemples où elle sait se montrer très critique envers elle-même, les autres, et l’époque dans laquelle elle vit.  Néanmoins, cela n’empêche pas de s’attacher à ses descriptions d’un quartier Latin extrêmement vivant, où elle nous donne l’occasion de parcourir les rues avec elle. Découvrir certaines de ses discussions avec Sartre a aussi fait couiné mon cœur de littéraire.

Sans être à son échelle, je me suis aussi beaucoup reconnue en elle. J’ai eu le sentiment d’être passée par les mêmes étapes qu’elle, mais plus âgée. Ce livre est aussi un bon moyen d’évoquer les thèmes philosophiques qui lui sont chers, comme l’existentialisme ou le féminisme, d’une façon abordable.

Portrait d’une jeune fille courageuse, d’une indépendance d’esprit exceptionnelle, en rupture avec son époque et son milieu, Mémoires d’une jeune fille rangée est à classer parmi mes meilleures lectures de 2016. Je ne regrette pas d’avoir découvert Simone de Beauvoir via un autre biais que ses essais, et je pense lire rapidement la suite de son autobiographie, bien que les ouvrage suivants soient moins connus.


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J'espère que ces ouvrages vous auront donné envie, et qu'ils partageront également les rayonnages de votre bibliothèque un jour ! N'hésitez pas à partager aussi les derniers livres qui ont partagé vos journées.

Sur ce, je vais vite retourner à ma tasse de thé,

Bien à vous,

4 commentaires:

  1. Je n'en ai lu aucun mais tu as su me donner envie.
    Sortir de ses habitudes ou "idées" fait toujours du bien.
    Bon week end !

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    1. Je suis contente que cela t'ait donné envie de les lire bien qu'en dehors de tes lectures habituelles =) Merci de ton passage BettieRose !

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  2. Je devrais tellement lire "Mémoires d'une jeune fille rangée" ! J'avais écouté toutes les émissions de France Culture sur elle (ici : http://www.franceculture.fr/emissions/simone-de-beauvoir-absolument), ça m'avait passionnée mais je n'osais pas me lancer... J'avais peur que le style soit un peu trop lourd et que l'ennui me prenne rapidement mais c'est un classique que je dois vraiment rajouter à ma wishlist (et acheter et lire et en surligner des passages) !

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    1. Merci pour le lien, je vais écouter ça, ça doit être super intéressant !! En vrai, contrairement à ce que je pensais, c'est vraiment fluide et agréable à lire. C'est la même chose pour ses essais d'ailleurs.
      Je t'encourage à la découvrir :) Merci pour ton passage Libriosaure !

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